Le chapelet bouddhique

juzu

Le chapelet bouddhique est appelé mala ou japamala en Inde et juzu ou encore nenju au Japon (1). Cet accessoire de pratique a une fonction d’aide à la concentration, au recueillement, à la méditation ou au maintient d’une posture correcte, selon les écoles bouddhiques. Il est utilisé dans l’hindouisme, le bouddhisme, ainsi que d’autres religions, et peut comporter un nombre de perles variable et des ornements divers (2). Nous laisserons de côté les différentes configurations du juzu pour nous intéresser à celui en usage dans la Soka Gakkai, qui est le même que pour la plupart des écoles Nichiren et trouve sa symbolique dans la Cérémonie dans les airs du Sûtra du Lotus, notamment l’évocation des bouddhas Shakyamuni et Maints-trésors (Voir l’article sur le Gohonzon).
Au premier abord, il a la forme d’une corps humain, avec d’un côté trois pompons au bout de cordelettes représentant la tête et les membres supérieurs, de l’autre deux pour les jambes rattachés. Ces cordelettes sont fixées à deux grosses billes par lesquelles passe une boucle de 112 perles (A), dont 4 sont plus petites. Ces dernières (B) représentent les quatre dirigeants des Bodhisattvas-sortis-de-la-Terre apparus dans le chapitre XV du Sûtra du Lotus. Jogyo, Jyogyo, Muhengyo et Anryugyo qui symbolisent les 4 vertus du bouddha : vrai moi, éternité, pureté et bonheur. Ensemble ces perles représentent la vie de Nichiren Daishonin et, dans un sens plus large, les qualités que développe la pratique du bouddhisme. Le « corps » de perles en cercle symbolise également le miroir de la sagesse qui nous permet de voir l’aspect réel de notre vie.
En ce qui concerne les 108 autres perles, il existe plusieurs hypothèses, qui peuvent d’ailleurs être également valables. Dans la plus plausible, ces perles symbolisent les 108 sortes de sensations qui nous tiennent attachées au monde de l’illusion fondamentale. Ce chiffre est obtenu ainsi : 18 (dhatus) x 3 (types de sensations) x 2 (physiques ou mentales) = 108 (Voir Les trois domaines de l’existence (note 6)).
Ou encore, ce sont les 108 souffrances-passions (jap. bonno, skt kleshas) du monde des trois plans et des souillures de l’esprit. La plupart des autres hypothèses paraissent trop éloignées du bouddhisme, avec des références à l’astrologie, la numérologie, etc. pour être retenues.
Pour la suite de la composition du juzu, on peut se référer au schéma ci-dessus :
C – Tenu à la main droite, cette grosse perle appelée la mère, représente le bouddha Shakyamuni, le mystique ou le merveilleux (jap. myo), la sagesse subjective pour saisir la vérité (chi), la vie ;
D – Pour la main gauche, c’est le père, le bouddha Maints-Trésors, la loi (jap. Ho ou skt Dharma), la vérité objective (jap.kyô), la mort ;
E – Trois mille mondes représentés par trois fois 10 perles séparées en trois groupes ;
F – Ces quatre perles allongées représentent des jarres qui recueillent la bonne fortune, les rétributions favorables ;
G – Différentes hypothèses : pureté, clarté, foi absolue ;
H – La personne (du bouddha) et la Loi ;
J – Le nœud, qui lie donc la personne et la Loi, représente l’unité de la personne et de la Loi ;
K et L – À nouveau la personne et la Loi avec la communauté des croyants (skt sangha), soit les trois trésors du bouddha, de la Loi et de la sangha ;
M – Pas de signification trouvée pour ces dix perles. Cependant, les cordelettes côté mère sont plus fines que côté père et permettent aux perles de coulisser facilement, ce qui laisse penser à une fonction de comptage ;
Prendre le
juzu et joindre les mains pour pratiquer fait se rapprocher les deux grosses perles, Shakyamuni et Taho, un acte qui réalise symboliquement la fusion de la réalité objective et la sagesse subjective (3), la compréhension que l’on est soi-même bouddha. Les mains jointes dirigées vers le haut, paumes et mains se touchant, est l’un des gestes traditionnels des religions hindouiste et bouddhiste que l’on appelle mudra. Celui-ci est l’anjali-mudra, mudra du salut. C’est d’ailleurs le geste traditionnel du salut dans la plupart des pays de l’extrême orient. Il est plus particulièrement attribué aux bodhisattva qui rendent hommage au Bouddha. Il représente également Myoho, au sujet duquel Nichiren déclare dans les Enseignements oraux : « Myo est synonyme de la nature du Dharma, soit l’illumination, tandis que Ho représente l’obscurité ou l’ignorance (jap. mumyo, skt avidya
). Réunis en Myoho ils expriment l’idée que l’ignorance et la nature Dharma sont une seule entité. »
Personne, dans le bouddhisme, n’a jamais prétendu que le juzu était indispensable à la pratique (à part peut-être ceux qui gagnent de l’argent avec sa vente). C’est cependant un accessoire qui aide à la concentration et à conserver une attitude de respect envers le Gohonzon – en définitive envers soi-même, puisque celui-ci représente notre état de bouddha. Pourtant, le second président de la Soka Gakkai, Josei Toda, emprisonné pendant la Seconde Guerre mondiale par la dictature militaire japonaise, a eu la patience de se confectionner un chapelet avec des bouchons de bouteilles…

Notes :

1 – Mala signifie collier ou guirlande et c’est aussi le nom des guirlandes de fleurs en Inde. Les termes japonais nenju et juzu font référence au comptage des perles pendant la pratique (compte des prières, des mantras, dharanis, etc.), même si ces chapelets n’ont pas cette fonction dans le bouddhisme de Nichiren.
2 – D’origine brahmanique, le japamala est apparu chez les bouddhistes à une date bien postérieure à la mort de Shakyamuni, bien que le Mokugen kyo lui attribue la paternité de cet objet. Son usage s’est répandu plus particulièrement chez les bouddhistes thibétains et, par la route de la soie, en Chine, Corée et Japon. Selon certains historiens, les musulmans auraient adopté le chapelet bouddhique qui, par leur intermédiaire, serait arrivé dans la chrétienté à l’époque des croisades.
3 – En jap.
kyôchi myogo. Nichiren (EdN 89) explique que la réalité représente la vraie nature de tous les phénomènes, le Dharma, et la sagesse signifie la manifestation de cette vraie nature. Autrement dit, notre nature de Bouddha est la réalité et la croyance en le Gohonzon est le mode de réalisation de cette réalité.

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